La Société informatique de France est signataire de
Appel urgent à agir pour limiter le changement climatique et inverser la perte de biodiversité
de la part des Sociétés Savantes
Dans la tribune ci-dessous, le conseil d’administration de la SIF éclaire le pourquoi de cette signature et donne quelques éléments relatifs aux enjeux environnementaux liés au secteur du numérique.
- lire l’appel des sociétés savantes sur le site de la Société française d’écologie et d’évolution
sfecologie.org/actions/positions/climat_biodiversite/ - lire la tribune de la SIF ci-dessous
Conseil d’administration de la Société informatique de France, avril 2019.
Le secteur du numérique a un impact direct significatif et en forte croissance sur l’environnement. Il multiplie également, via de multiple effets indirects, les impacts environnementaux d’autres secteurs. Le tout pour des bénéfices peu maîtrisés.
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À l’échelle mondiale, les technologies du numérique sont responsables d’environ 4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), soit plus que celles engendrées par l’aviation civile ! Le secteur du numérique a aussi un taux de croissance beaucoup plus important (+8 % par an), et est responsable de 10 % de la consommation électrique mondiale, tout cela sans compter les systèmes embarqués dans l’électroménager ou les moyens de transports.
Ses impacts directs sur le changement climatique sont donc largement significatifs et en très forte croissance.
L’urgence climatique tend à focaliser notre attention sur les émissions de GES ; toutefois, l’extraction et le raffinage des métaux puis la production des composants nécessaires à la réalisation des équipements électroniques ainsi que leur recyclage sont aussi des sources considérables de pollution : métaux lourds (cuivre, nickel, zinc, étain, plomb, arsenic, gallium, germanium, indium, mercure, sélénium, thallium), phtalates (plastifiants), solvants, composés chimiques perfluorés, dioxine, furane et autres métaux ou composés chimiques sont déversés directement dans le sol, les eaux ou polluent l’air. Ce type de pollution est local, contrairement aux GES qui ont un effet global. Pour autant, leurs impacts sur la qualité de l’air, des sols, et de l’eau ont de graves répercussions sur la santé des populations locales et contribuent à l’érosion de la biodiversité.
Le développement des technologies numériques participe aussi à l’épuisement de certaines ressources. Par exemple, au rythme actuel de production, les réserves seraient de 15 ans pour l’étain, de 16 ans pour l’or, de 20 ans pour l’argent, ou encore de 39 ans pour le cuivre, même si ces estimations doivent être prises avec précaution puisqu’elles ne tiennent compte que des réserves connues, sans considérer les futures découvertes, les améliorations technologiques, ou les évolutions économiques. Malgré tout et en dépit des progrès techniques, leur extraction finira par demander trop d’énergie, alors que la récupération de métaux dans les déchets ne dépassent pas 20 % pour les métaux les plus faciles à recycler. Les besoins des technologies du numérique en ressources naturelles sont aussi sources de problèmes socio-environnementaux : exploitation de la population locale dans les mines, conflits d’accès à l’eau ou aux ressources elles-mêmes, etc.
La transition numérique nous promet la « dématérialisation » de produits ou services, mais la réalité montre des effets de « rematérialisation » importants qui peuvent limiter, annuler, voire inverser les bénéfices : par exemple, on estime que la mise en place de factures électroniques est néfaste d’un point de vue des émissions de GES à partir du moment où 35 % des factures sont imprimées par les usagers. De plus, les commodités introduites par les technologies numériques tendent aujourd’hui à multiplier la demande en services ou en produits, participant ainsi indirectement à l’accroissement de notre empreinte environnementale. Plus généralement, un des impacts sociétaux majeurs du numérique est son rôle dans l’accélération des échanges et des procédés de production. Par exemple, le numérique facilite la gestion de l’approvisionnement en flux tendu, ce qui accélère les processus de production et incite à des modes de livraison rapides.
Sans remettre en cause les apports réels des technologies numériques dans la société, participant à notre confort et finalement notre bien-être, il est important de garder à l’esprit les coûts environnementaux associés (pollution, destruction des écosystèmes, réchauffement climatique, etc.). Le devenir des impacts environnementaux du numérique dépendra des technologies qui seront développées et adoptées (5G, véhicules autonomes, réalité virtuelle, intelligence artificielle, internet des objets, blockchain, etc.) et des comportements de consommation. Les politiques mises en place pour influer sur ces deux aspects revêtent ainsi un intérêt capital.
Alors que la tendance est loin d’être à la sobriété numérique, ne devrions-nous pas aussi questionner la notion de progrès par rapport à la question environnementale ? Ces questions de responsabilité, d’éthique scientifique sont plus que jamais d’actualité, et en tant qu’informaticiens nous ne pouvons les éluder dans un contexte où les innovations techniques ont presque systématiquement une dimension numérique.
On trouvera les sources des affirmations et données avancées ici dans
Introduction aux impacts environnementaux du numérique, Kevin Marquet, Françoise Berthoud, Jacques Combaz
1024 – Bulletin de la société informatique de France, numéro 13 – avril 2019.
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